Le Maréchal a 84 ans et 182 jours.
—————————————————————————————————————————-
Faits importants du jour : entrevue de Montoire entre Hitler et Pétain
Important /le professeur Rougier en accord avec Pétain reçu par Churchill et lord Halifax
Entrevue de Montoire Pétain/Hitler
07H15-départ Pétain et Laval dans la même voiture, Ménétrel près du chauffeur
Pétain à Laval : « Qu’est ce que je vais bien pouvoir lui dire ?
Réponse de Laval : « Il n’y a pas à se tracasser, Hitler parle tout le temps .Commencez par lui dire que vous n’avez pas voulu la guerre, le reste ira tout seul » Dans la 2ème voiture : De Brinon et le conseiller Aschenbach. Dans la 3ème voiture : Du Moulin-seul- A la Madeleine (ligne de démarcation)
Laval passe dans la voiture n°2 avec Aschenbach pour pouvoir fumer à son aise…
13H00-arrivée à Tours,accueil du Préfet Vernay, repas, puis partie de billard avec Laval
15H15- au café-Abetz ambassadeur du Reich, et Schleier ministre plénipotentiaire, ainsi que Max Clauss journaliste de la Frankfurter Zeitung sont présentés au Maréchal, par Aschenbach- prises de photos et de vues pour actualités cinématographiques
Abetz qui rencontre pour la 1ère fois le Maréchal, parle d’un jour historique.
16H20-le cortège se met en route pour la gare de Montoire.
Vers 17H00-sur le quai, aux lueurs des projecteurs électriques, accueil du baron Von Doernberg chef du protocole de la Wilhemstrasse, présentation au chancelier et aux membres de sa suite dont le maréchal Keitel, Ribbentrop et l’officier interprète Paul Schmidt.
Hitler pantalon noir, veste marron du parti, croix de fer, le Maréchal en uniforme, lui tend la main : « Je suis heureux de serrer la main d’un Français qui n’est pas responsable de cette guerre » dit Hitler, Pétain à tout hasard répond « Bien, bien je vous remercie »
17H30-19H00-Dans le wagon-salon, Hitler parle beaucoup, Pétain le moins possible, Laval peu, Ribbentrop pas du tout. Hitler raccompagne le Maréchal jusqu’à sa voiture.
20H30-retour à Tours. Dîner à la préfecture.
Passe la nuit à l’hôtel
Pétain, de Brinon,Ménétrel et Schmidt dans voiture n°1, Laval et Abetz voiture n°2, du Moulin et un officier allemand dans la n° 3
Complément entrevue de Montoire
Avec quelques précisions complémentaires du Maréchal
—————————————————————————————————————————-
07H15-départ de Vichy vers Montoire
12H30-déjeuner à Tours avec le préfet Vernay
15H15-réunion à préfecture de Tours avec Laval, Abetz , Achenbach , de Brinon ,du Moulin , Ménétrel , Général Smidt , Clauss journaliste de la gazette de Francfort ,départ vers Montoire.
18H00-arrivée à Montoire réception par le comte Von Doenberg chef de protocole du Reich
18H15-devant le train du chancelier
présentation à Hitler, la poignée de mains, en présence Ribbentrop, Keitel
-durée entretien 2 heures
Pétain : demande la réduction de l’indemnité d’occupation, l’adoucissement de la ligne de démarcation, le retour des prisonniers.
Hitler : si la France et l’Allemagne collaborent la France peut espérer des concessions sur tous les points qui importent au Maréchal.
Le Maréchal obtient de Keitel la libération du général Laure et l’autorisation de visiter un camp de prisonniers près d’Amboise (il fut déçu, dans ce camp n’étaient internés que des annamites).
Conclusions-le Maréchal n’a pris aucun engagement. Il attend des offres du chancelier. Il accepte le principe de la collaboration.
Aucun compte rendu officiel de cette entrevue.
Dîner à la préfecture de Tours.
Confidence à du Moulin : Hitler je ne l’ai pas entendu. Cet homme qui hurle à la radio, parle à voix basse, et comme je suis un peu dur d’oreilles…
Je n’ai pas manqué d’assurance, lui non plus !
Je n’ai pas trop parlé et n’ai pris aucun engagement, comme prévu avec le général Huntziger.
Conclusion sur Montoire : « langage de sourds » puisque le Mal n’a pratiquement rien entendu de ce que disait Hitler ; heureusement Schmidt l’interprète traduisait, mais comme toute traduction avec bien des erreurs et contresens, et il n’y a jamais eu de compte-rendu officiel !…sauf un projet allemand, figurant dans les archives -voir annexe -(voir Montoire Verdun Diplomatique de Louis Dominique Girard édition André Bonne 1948 pages 227 à 231)
………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………….
Ce que l’interprète Schmidt a écrit au sujet de l’entrevue de Montoire
En ce 24 octobre 1940, dans la nuit commençante, sous la lumière indécise des falots éclairant les quais de la petite gare, il était difficile au premier regard de distinguer le vainqueur du vaincu. Bien droit malgré son grand âge, dans sa tenue toute simple, Pétain eut presque un geste souverain en tendant sa main au dictateur, tout en le fixant d’un œil inquisiteur, glacial et pénétrant. Je savais toute la considération dont il jouissait auprès de Hitler, de Göring et de beaucoup d’autres personnalités nationales-socialistes. Il incarnait pour la plupart des Allemands les vertus militaires françaises, et ce sentiment pesa manifestement sur l’attitude qu’eut Hitler pour l’accueillir. Il ne fut pas plus le triomphateur enflé de sa victoire comme le représentent certaines de ses photographies de 1940, qu’un caporal intimidé par la présence d’un maréchal, comme l’ont prétendu à tort certaines publications françaises parues dans l’intervalle. Il se comporta sans morgue et aussi sans raideur.
Les deux hommes se serrèrent silencieusement la main sans qu’un sourire vînt éclairer leurs visages. En leurs personnes, la France et l’Allemagne semblaient s’affronter. Tous les assistants, y compris les sentinelles, présentant les armes, sentirent passer le souffle de l’Histoire.
D’un geste, Hitler invita le Maréchal à monter dans un wagon-salon. Je m’assis moi-même devant Pétain et me trouvai admirablement placé pour l’observer au long de l’entretien. Ses traits qui m’étaient apparus un peu pâles sur le quai avaient légèrement rosi, on percevait nettement l’émotion et la tension intérieures, sous un masque d’impassibilité. Ribbentrop était là, muet, et en quelque sorte, toléré. Pierre Laval, portant son inévitable cravate blanche, assistait à la conversation. Le Président du Conseil français ne cessa de scruter alternativement le visage de Hitler et celui de Ribbentrop pendant ma traduction. Je parlais assez fort, quelqu’un m’ayant dit que le Maréchal était dur d’oreille.
Hitler commença par ce préambule : « Je regrette, Monsieur le Maréchal, que nous nous rencontrions dans de pareilles circonstances. Personnellement, je le sais, vous n’avez pas voulu cette guerre, déclarée par un gouvernement français aux ordres de l’Angleterre, et vous n’en portez point la responsabilité », et Pétain n’eut pas de réaction quand je lui traduisis ces paroles. « Je suis certain de vaincre également l’Angleterre bientôt », continua Hitler en haussant graduellement le ton pour aboutir à un véritable hymne de haine contre ce pays qui, d’après lui, avait non seulement repoussé à différentes reprises la main qu’il lui avait tendue, mais qui avait constamment poussé au conflit, se mêlant de choses qui ne la regardaient nullement.
« Nous avons gagné la guerre », dit Hitler en répétant ses propos tenus la veille à Hendaye devant Franco. « L’Angleterre est battue. Il faudra bien, tôt ou tard, qu’elle en convienne ». Puis il ajouta : « il est évident que quelqu’un doit payer les frais de cette guerre perdue. Ce ne peut être que la France ou l’Angleterre. Si c’est cette dernière, la France pourra reprendre en Europe la place qui lui revient et conserver pleinement sa situation de puissance coloniale. »
La formule était si vague, conformément à son habitude, qu’elle ne pouvait que déplaire à l’esprit français, amoureux de précision et de logique. J’eus l’impression qu’elle produisait un effet plutôt défavorable tant sur Pétain que sur Laval.
Hitler souligna ensuite ce qu’il croyait être la magnanimité dont il avait fait preuve lors des négociations d’armistice. « Les conditions sont sures, mais il n’y a rien contre l’honneur », avait dit le Général Huntziger à Compiègne. « La France a conservé ses colonies et sa flotte. »
Pétain observait toujours le silence, mais à l’attention avec laquelle il écoutait ma traduction, je me rendais bien compte qu’il suivait les déclarations de Hitler avec le plus vif intérêt sous son apparence glaciale, presque absente. Laval, par contre, manifestait un peu plus de nervosité, essayant de deviner les pensées des deux hommes. « L’énergie avec laquelle la flotte française s’est défendue à Mers-el-Kébir, sans reculer devant de graves pertes en hommes et en matériel, a fortement impressionné l’Allemagne », prononça Hitler, qui aborda alors le problème crucial : « La France continuera-t-elle à défendre son empire colonial contre toute attaque, comme à Dakar ? Est-elle prête à reconquérir les territoires passés à la dissidence du Général de Gaulle ? ».
Pétain n’y répondit pas. Hitler redemanda avec insistance ce que ferait la France si l’Angleterre attaquait de nouveau ? Le Maréchal déclara alors que son pays avait trop souffert, moralement et matériellement, pour se lancer dans un nouveau conflit.
Hitler en fut manifestement irrité. « Si la France ne veut pas se défendre elle-même et nourrit des sympathies pour les Anglais, s’écria-t-il d’un ton hostile, elle perdra son empire colonial à la fin de la guerre et se verra imposer des conditions de paix aussi dures que l’Angleterre. »
« Jamais une paix de représailles n’a eu de valeur durable dans l’Histoire », répliqua le Maréchal d’un ton glacé.
« Je ne veux pas de paix de représailles, je suis prêt, au contraire, à favoriser la France », s’exclama Hitler. « Ce que je veux, c’est une paix basée sur une entente mutuelle, garantissant la paix européenne pour plusieurs siècles ! Mais je ne le puis que si la France est décidée à m’aider à battre les Anglais. C’est l’unique façon d’accélérer la défaite d’ailleurs inéluctable de la Grande-Bretagne ».
Pétain saisit habilement l’occasion de se dérober en demandant comment Hitler envisageait le traité de paix définitif, « pour que la France connût clairement son destin et que les deux millions de prisonniers pussent revenir le plus tôt possible dans leurs familles ».
Ce fut au tour de Hitler d’éluder. Le traité de paix définitif ne pouvait être envisagé qu’après la défaite ultime de l’Angleterre. Pétain fit observer que dans ces conditions il fallait au moins prendre des mesures pour assurer le retour prochain des prisonniers. D’autre part, la séparation de la France en deux zones créait une situation intolérable, des assouplissements étaient à apporter aux règles de franchissement de la ligne de démarcation. Enfin la charge causée par les frais d’occupation était écrasante, il serait indispensable de la réduire.
Je m’attendais à voir Hitler, devant une attitude négative du Maréchal français, rejeter sur-le-champ toutes ses demandes. Il n’en fit rien cependant, peut-être par estime pour son interlocuteur, peut-être parce qu’il n’avait pas abandonné l’espoir d’entraîner la France dans un conflit avec l’Angleterre. Il se lança dans des généralités, faisant l’éloge des soldats français dont il avait admiré la bravoure au cours de la Première Guerre mondiale, bravoure qui ne s’était pas démentie cette fois, vantant la valeur des artisans et les qualités des paysans français. Il exprima son enthousiasme pour la beauté architecturale de Paris auquel il venait de faire, peu avant, une visite secrète.
Il déclara que les prisonniers se comportaient très bien et se faisaient apprécier en Allemagne par leur application et leur adresse. Les bons rapports qu’ils avaient noués avec la population allemande étaient, déclara-t-il, de très bon augure pour la collaboration entre les deux peuples.
Ce fut alors que le mot de « collaboration » appelé à tant de retentissements, fut prononcé pour la première fois après l’armistice dans les discussions franco-allemandes. Si les deux pays tombaient d’accord à ce sujet, la France pouvait espérer des concessions sur tous les points soulevés par le Maréchal.
Laval en profita pour parler de la bonne volonté que la France était disposée à manifester pour collaborer avec l’Allemagne dans tous les domaines autres que le domaine militaire. Le peuple français aimait la paix. Il avait été entraîné contre son gré dans cette guerre et ne s’était pas réellement battu, comme le démontait le grand nombre de prisonniers. Il rappela les efforts déployés par lui depuis plusieurs années pour opérer un rapprochement entre les deux pays, répétant cette déclaration de l’avant-veille à Hitler qui lui-même refit presque textuellement l’exposé qu’il avait fait à cette occasion.
Comme l’entretien tirait à sa fin, Pétain intervint en faveur des départements du Nord, rattachés assez significativement au Gouvernement militaire de la Belgique. Il en réclama le retour à la France, dans l’intérêt des populations. Il fut moins net en ce qui concerne l’Alsace et la Lorraine, désirant seulement, à ce qu’il me sembla, sonder les intentions de Hitler à ce sujet.
Le dictateur se borna à lui répondre qu’il avait besoin de réfléchir à toutes ces questions et qu’il lui ferait connaître par écrit sa position. J’ignorais alors qu’il avait déjà décidé, en esprit, d’incorporer ces départements du Nord, avec Calais et Dunkerque, à une Belgique dans le sillage de l’Allemagne. Il dupa quelques années plus tard également Jacques Doriot lors de la constitution d’un gouvernement français fantôme, en répondant à une question de celui-ci qu’il n’avait aucune visée au sujet de ces départements.
Pétain écouta tout en silence. Pas une seule fois il n’eut un mot aimable pour Hitler ou pour l’Allemagne. Son attitude donnait l’impression d’une sorte de hauteur, paraissant être peu de mise dans la situation où se trouvait la France en cet automne 1940. Je ne pus m’empêcher de penser qu’en venant à cette entrevue, il n’avait d’autre but que de tâter les intentions de Hitler. Ni l’un ni l’autre ne s’étaient livrés, la solution des questions évoquées était remise à une date ultérieure. Tous les deux s’étaient dérobés devant les précisions. Hitler n’avait formulé aucune exigence concrète et laissé seulement entrevoir qu’il était susceptible d’accorder des adoucissements à la France en échange de sa participation aux hostilités contre l’Angleterre, en se gardant bien de toute netteté. Le grand coup préparé par Hitler avait échoué à cause de la prudence et de la réserve des Français. Pétain avait fait grise mine par son laconisme, son mutisme … Aucun progrès n’avait été réalisé non plus avec Laval.